L'aquariophilie est elle un art?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'aquariophilie est elle un art?
Le règne de l'homme est caractérisé sur le plan anthropologique par sa capacité à se soustraire aux lois de l'écologie pour ne pas être qu'une créature qui vit et s'épanouit dans un environnement donné.
Homo sapiens est capable de disposer à sa guise de tout ce qui l'entoure, et il ne s'en prive pas. Un des aspects de cette dérive consiste à mettre par agrément la nature en pot, en cage ou en bocal.
L'art serait né au paléolithique, en même temps que les prémices de l'abstraction, plusieurs milliers d'années avant la domestication et l'agriculture. La possession d'animaux d'agrément se fait depuis l'antiquité mais ce n'est qu'à la fin du moyen-âge que la sélection des espèces a pris un aspect ornemental et artistique. La chasse et la cueillette étant devenues des loisirs, on a commencé à s'intéresser aux aspects esthétiques de telle ou telle race de chien, ou encore de telle ou telle variété de rose.
La question de la définition de l'art épuise nos philosophes depuis l'antiquité, il ne s'agit donc pas là d'y apporter une solution. Pour Kant « L'art se distingue de la nature (...) on ne devrait nommer art que le produit de la liberté, c'est à dire d'un vouloir qui fonde ses actes sur la raison» et pour Hegel « il est permis de soutenir que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature » en résumé l'art, c'est voir la nature à travers sa sensibilité, donc la nature n'est pas artistique, puisqu'elle n'est pas l'oeuvre de l'homme.
En revanche pour Flaubert « l'Artiste ne doit pas plus apparaître dans son œuvre que Dieu dans la nature. L'homme n'est rien, l'œuvre tout ! » cette fois, l'art c'est imiter la nature sans que la main de l'homme ne soit perceptible.
Il serait vain de chercher qui a tort et qui a raison, toutefois on peut se poser la question de l'art en aquariophilie selon ces deux approches.
Doit-on chercher à créer de toute pièces un objet répondant à nos préocupations esthétiques, que ce soit par le design du matériel, la disposition des objets, ou la coloration des occupants, l'aquarium repondant ainsi en tous points aux sensibilités de son auteur, ou bien la prouesse doit-elle consister à enfermer la nature telle qu'elle est?
Assurément les deux! Car il ne suffit pas d'avoir une sensibilté esthétique pour rendre viable les conditions de maintien des occupants du bacs, l'écologie et la biologie de ces espèces doit être prise en compte, ne serait-ce que pour assurer leur survie. D'un autre coté, il est impossible de recréer fidèlement les conditions d'un milieu naturel du fait de leur complexité. On peut certes simuler des phénomènes hydrologiques ou l'ensoleillement, mais on ne peut pas mettre le bassin versant de l'Amazone ou le lac Malawi dans une boite en verre.
L'art de l'aquariophilie consisterait donc à faire collaborer deux définitions contradictoires : apposer à une oeuvre la main de l'artiste, sans pour autant empiéter sur la liberté de la nature. Et l'outil indispensable à cette fusion, c'est la Science.
Comme le sculpteur se doit de connaître la minéralogie et la pétrologie pour travailler la roche en respectant ses caractéristiques structurelles, l'aquariophile doit maîtriser l'écologie aquatique, la chimie de l'eau et la biologie. En étudiant le fonctionnement des écosystèmes, on peut connaître les aspects sur lesquels la nature sera intraitable, et ceux sur lesquels elle nous octroie une marge de manoeuvre. Par exemple, un néon pourra remplacer le soleil, un poisson acceptera de pondre sur un support synthétique et parfois, nous pardonnera l'horrible colonne de temple grecque qui orne son habitat.
La nature accorde ainsi à l'aquariophile une liberté qu'il peut utiliser à des fins artistiques. L'homme peut alors apposer sa main et créer un monde qui correspond à sa senbilité, à conditions toutefois que l'esthétique... ne supplante pas l'éthique...
delorme nicolas
source :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]